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 « L’entrepreneuriat n’est pas un choix de carrière »

Dans sa quête insatiable de spécialisation, Amina Diagne a, au fil d’un parcours riche en apprentissages, acquis le savoir-faire et les compétences nécessaires dans sa pratique professionnelle. Aujourd’hui, après plusieurs expériences variées dans l’entrepreneuriat, elle a décidé de se spécialiser dans le coaching et la formation à travers MinaPro.

Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ?

Comme pour beaucoup de professionnels, je fais partie des personnes qui ont étudié un domaine et qui ont fait carrière dans un domaine très différent ! J’ai choisi la filière Administration économique et sociale car, je n’étais pas sûre en terminale de ce que je voulais faire. Logiquement, j’ai pensé qu’une filière générale était le meilleur choix. Je me rends compte assez rapidement que le point faible de cette filière est que je ne serai pas aussi compétente qu’une personne qui a choisi de se spécialiser sur un domaine précis.

Après une maitrise en Administration Economique et Sociale à l’université Montesquieu Bordeaux IV, je choisis le DESS en gestion des risques dans les pays du Sud de Sciences Po Bordeaux, pensant que j’allais enfin atteindre mon objectif de spécialisation.

Là encore, je sors de cette formation en ayant une bonne connaissance de la gestion des risques, mais pas aussi formée que quelqu’un qui aurait choisi de se spécialiser en risque financier par exemple.

Je me dis que ce n’est pas grave, la spécialisation viendra avec le milieu professionnel et je rejoins l’équipe d’audit puis l’équipe Conseil de KPMG au Sénégal et à Montréal où je m’installe pendant 6 ans. Dans le conseil, je suis plongée de l’industrie laitière à l’industrie cinématographique en passant par le montage de dossiers de partenariats publics privés. Vous l’aurez compris, ma quête de spécialisation est toujours inassouvie.

En 2008, la crise des subprimes bat son plein et on m’informe que malgré mes performances, la politique du LIFO (Last In First Out, dernier arrivé, premier parti) fait que comme je fais partie des dernières personnes recrutées, un terme est mis à mon contrat. C’est un choc pour moi et je me dis, à vie, plus jamais mes revenus ne découleront d’une seule source. Ma perspective du monde de l’emploi et de ma carrière professionnelle change totalement à ce moment-là et je décide d’en prendre le contrôle.

Je n’attends plus que l’expertise vienne d’une formation ou d’un métier, j’analyse le marché et je choisis les problématiques ou mon profil est vraiment une valeur ajoutée. C’est ainsi que je contacte Moustapha Diop, Directeur Général de SOLID – Solution Informatique Durable. Il m’accueille à bras ouvert, je rentre au Sénégal en 2011 et démarre une aventure formidable au sein de cette entreprise pendant 7 ans ! 

En 2018, mes choix de vie ne me permettant plus d’assumer mes responsabilités au sein de SOLID, je choisis de me mettre à mon propre compte à titre de consultante et après plusieurs expériences variées dans l’entrepreneuriat, je crée MinaPro en 2020 et décide de me spécialiser dans le coaching et la formation.

Vous êtes la directrice de MinaPro. De Quoi s’agit-il ?

La majorité de la population, comme mon histoire que je viens de partager, n’a toujours pas de vision claire de ce qu’elle veut faire à terme ; Ensuite, Plus de la moitié de la population sénégalaise est analphabète. Ça veut dire que l’essentiel de l’information générée à travers le monde leur est totalement inaccessible. Dans un contexte de promotion de l’entrepreneuriat, cela consiste à priver l’essentiel de notre force active de ressources essentielles pour le développement de leur activité.

Devant ce constat, MinaPro s’est donnée comme mission de créer du contenu accessible en français et en Wolof pour la promotion de l’entrepreneuriat et de l’employabilité. En plus de la création de contenu en langue locale, il s’agit également de rendre ce contenu digital pour qu’en plus des médias et du divertissement, les Sénégalais puissent trouver du contenu éducatif en ligne quel que soit leur emplacement dans le monde. 

En quoi consiste le métier de Coach d’affaires ?

La formation ne suffit pas. Pour beaucoup d’entrepreneurs, une fois la formation faite, il faut fournir un accompagnement sur une période de 3 mois au moins. Ainsi l’entrepreneur reçoit un feedback continu sur la bonne application des outils au sein de son entreprise.

En général, qui sont les clients qui souhaitent se faire former par MinaPro ?

J’accompagne les entrepreneurs et les membres du comité de Direction au sein d’une organisation. Il peut également s’agir de personnes nouvellement nommées à des postes de Direction et qui ont besoin d’être ressourcées pour bien gérer la transition vers le poste de manager.

Comment analysez-vous l’écosystème entrepreneurial au Sénégal ?

L’accent a été mis sur le financement et les services financiers, essentiellement jusqu’ici. C’est une bonne chose et en même temps il faut que cette approche soit renforcée davantage par les services non financiers dont le volet formation, l’effort en R&D (Recherche & Développement) et faciliter ensuite le transfert des résultats. A court terme, il est important d’aboutir à une cartographie de l’écosystème entrepreneurial. Aujourd’hui, beaucoup d’opportunités restent encore confidentielles pour la grande majorité des cibles.

Le paradoxe aujourd’hui est que la forme d’entrepreneuriat la plus dynamique est l’entrepreneuriat de nécessité pratiqué souvent dans le secteur informel. Pourtant, ces profils sont souvent oubliés en pratique compte tenu des conditions d’accès aux programmes de l’Etat qui nécessitent la rédaction de dossiers de candidatures. Hérésie économique car ils constituent l’essentiel de notre force économique et sont, tout simplement, oubliés. Quand on sait aussi que pour l’essentiel cette cible est analphabète, elle est donc de facto laissée en périphérie des programmes qui existent actuellement.

Souvent vous aimez rappeler qu’être entrepreneur est différent d’être propriétaire d’une petite entreprise. Quelle est justement la différence ?

Il s’agit pour l’entrepreneur d’aller au-delà du paiement de ses factures, de sa propre personne. L’entrepreneur a une ambition qui dépasse ses biens propres et cherche à faire une différence sur le marché en apportant une solution unique.

La problématique de l’emploi des jeunes au Sénégal devient de plus en plus accrue. L’on parle souvent d’auto-emploi comme solution. Pensez-vous que l’entrepreneuriat en soit une ? 

L’une des causes de la problématique de l’emploi des jeunes au Sénégal est l’employabilité. Si une personne n’est pas bien formée pour occuper un emploi elle ne fera non plus un bon entrepreneur. L’entrepreneuriat est beaucoup plus difficile que d’évoluer à titre d’employé au sein d’une équipe. Les ressources requises pour être un bon entrepreneur vont bien au-delà des ressources nécessaires pour avoir une belle carrière. On voit d’ailleurs des cadres bien formés éprouver des difficultés lorsqu’ils se lancent dans l’entrepreneuriat alors comment vont faire ceux qui n’ont pas les bons outils de base.

L’entrepreneuriat n’est pas un choix de carrière.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent se lancer dans l’entrepreneuriat ?

Le seul et unique conseil que je donnerais, c’est de se former et peu importe le temps que cela prendra ou la filière, s’assurer de devenir exceptionnel dans la qualité de ce que l’on veut produire.

Quels sont vos projets à court et moyen terme ?

Créer davantage de contenu de formation accessible en ligne et en Wolof.

Lancer les cours sur le code de la route en Wolof.

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