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« Le cancer dépisté tôt peut se soigner » Mame Diarra Kébé, présidente de l’association Cancer du sein

Mame Diarra Kebe est une rescapée du cancer du sein. Il y a plusieurs années, sa propre expérience a nourri son désir de s’engager pour les malades du cancer. Avec un groupe d’anciens malades et de familles, elles fondent l’Association cancer du sein, une initiative qui accompagne les malades sous plusieurs plans et contribue à l’édifice de lutte contre la maladie.

En marge de la campagne Octobre rose destinée à sensibiliser les femmes au dépistage du cancer du sein et à récolter des fonds pour la recherche, Intelligences magazine est allé à sa rencontre. Entretien !

Qu’est-ce qui a motivé votre engagement dans la lutte contre le cancer du sein ?

C’est la volonté de Dieu qui a voulu que je sois dans ce combat parce que j’ai vécu le cancer et je l’ai vécu de façon très positive. Je ne me suis jamais sentie comme une malade qui va perdre la vie. Je n’ai pas pensé un instant que je n’allais pas m’en sortir, j’étais tellement positive. Je me rappelle qu’une fois lorsque j’étais toujours en traitement, le docteur m’avait demandé de parler à une femme de 27 ans qui venait d’être diagnostiquée et qui pleurait parce qu’elle allait perdre ces cheveux. J’ai pris le temps de lui parler, je l’ai rassurée et quand je suis rentrée chez moi, ça a fait tilt dans ma tête. Il fallait que l’on crée une association par des anciens malades pour des malades et c’est comme ça que je suis rentrée dans le combat. C’est ce vécu là que nous avions eu envie de partager non seulement avec celles qui sont en traitement mais également avec les autres femmes pour faire de la prévalence.

Aujourd’hui, vous gérez une association depuis près de 10 ans, sur quels volets mettez-vous le plus l’accent ?

Le but de l’association est de sensibiliser, d’informer et de lutter contre stigmatisation la maladie parce que le mot cancer fait énormément peur. Nous avons (principalement) deux types d’aides : l’aide psychologique qui est très importante parce que le cancer est une maladie psychologiquement très lourde et la prise en charge financière.

On l’a (le cancer) tellement stigmatisé et tellement lié à la mort que dès que les médecins font l’annonce à une malade, elle est complètement abattue. Et nous, notre rôle c’est de leur parler, leur expliquer le processus, de les rassurer surtout et de leur redonner une confiance et un courage de pouvoir faire leur traitement et même après la maladie parce qu’il y a l’après cancer.

Très souvent ce sont des femmes assez démunies qui sont touchées et la prise en charge coûte extrêmement chère. Une dame qui est domestique chez quelqu’un ou qui a sa petite échoppe ou table et qui vend des cacahuètes ou dont le mari est ouvrier ou bien même un simple agent sans couverture médicale, ça va être très compliqué pour eux.

Nous donnons des conseils en alimentation, en hygiène de vie et en comportement, nous discutons avec elles. Nous leur apprenons, nous leur expliquons c’est quoi le cancer et leur donnons tous les éléments pour se prémunir et pour pouvoir faire leur auto prévention dans des écoles, des lycées, chez les jeunes où on tient des conférences et on leur apprend à faire de l’autopalpation.

Nous avons aussi des séances de dépistage et nous mettons un accent sur le Sénégal profond parce que nous estimons qu’à Dakar tous les spécialistes sont là. Par contre si vous prenez une zone comme Kédougou et Sédhiou, il n’y a pas ces spécialités. Nous allons dans les villages les plus profonds pour faire des dépistages et ça a des coûts.

A ce propos, comment parvenez-vous à financer vos activités ?

Octobre rose étant le mois de sensibilisation sur les cancers mais aussi de “fundraising”, nous profitions de cette vitrine qui nous est ouverte pour faire des demandes de soutien dans le cadre des RSE des sociétés et c’est la somme de tout ceci qui va nous permettre de dérouler nos activités pour la prochaine période. Toutes les actions de notre association c’est grâce à ces dons là que nous pouvons les faire parce que c’est très lourd. Nous aimerions pouvoir faire plus de séances de dépistage dans les régions mais ce sont les moyens qui manquent.

« Le plateau technique est un frein à la prise en charge »

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans la prise en charge des malades ?

Malheureusement avec la fermeture de l’hôpital Aristide Le Dantec, les soignants, les malades, les associations tout le monde est dans le désarroi. Les autorités ont mis des structures qui sont censées pouvoir prendre le relai, malheureusement, elles n’ont pas les capacités de tous ces malades. Le plateau technique est un frein à la prise en charge.

Plusieurs nationalités viennent se former chez nous mais c’est chez eux que nous allons nous soigner parce qu’ils ont un plateau technique performant. Nous avons l’expertise ici mais malheureusement nous n’avons pas ces plateaux techniques qui pourront permettre une meilleure prise en charge des malades.

Quel est votre message à la société sénégalaise et aux femmes en particulier ?

Le ministère de la Santé s’occupe de toutes les maladies et à mon avis la prise en charge de toutes ces pathologies n’incombe pas seulement à l’Etat. La société civile a sa part, nous avons tous une part, une partition à jouer. Je profite de cette tribune pour dire aux individus d’appuyer les associations que nous sommes et de faire beaucoup plus d’actions dans ce sens parce que c’est comme ça qu’on pourra réaliser tout ce que nous souhaitons pour les malades.

Le cancer dépisté tôt peut se soigner, une bonne prévention peut éviter des cancers avancés, un cancer détecté tôt peut guérir. Faites-vous dépister tôt, prenez l’habitude de faire l’autopalpation mammaire, c’est un geste simple qui ne coûte pas cher et qui peut sauver la vie 

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