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« L’objectif de la lutte antimines du Sénégal est de parvenir à un statut de pays exempt de mines à l’horizon mars 2026 » (Abdourahmane BA)

ABDOURAHMANE BA CHEF DES OPERATIONS (ONG Humanité et Inclusion)

4 avril : Journée internationale de la sensibilisation au problème des mines et de l’assistance à la lutte antimines, par cette occasion Intelligences Magazine s’est intéressé à ce champ d’action de l’Organisation non gouvernementale, Humanité et Inclusion, au Sénégal. La partie sud du pays (Casamance) a fait l’objet d’un grand conflit séparatiste entre 1982 et 2014. L’organisation met en œuvre un programme d’action contre les mines à travers la promotion de comportements sûrs des populations à proximité des zones dangereuses et la sécurisation des pistes, des espaces arables et des infrastructures socio-économiques de base polluées par la présence de mines et des restes explosifs de Guerre. Pour cet entretien, Abdourahmane BA, Superviseur des opérations de remise à disposition des terres (déminage) chez Humanité et Inclusion revient sur les différents paramètres des actions qu’il coordonne.

En quoi consiste le déminage ?

Le déminage humanitaire vise à éliminer toutes les mines et munitions non explosées afin que la population civile puisse utiliser ces terrains sans danger. Le déminage humanitaire est la composante la plus importante de la lutte antimine et couvre un large éventail d’activités telles que les enquêtes non techniques, le marquage des zones suspectes, les enquêtes techniques, la destruction des mines ou munitions non-explosées, et la remise à disposition des terrains déminés.

 Comment procède -t-on ?

Dans le cadre de nos activités de déminage, nous disposons de plusieurs moyens de procédés techniques entre autres :

Le déminage manuel : qui consiste à une inspection des terres centimètre par centimètre, le long d’un couloir balisé, à l’aide de détecteurs de métaux combinés avec une sonde et une pelle d’excavation pour la détection de mines et restes explosifs de guerre par les démineurs et les démineuses.

HI fait aussi du déminage mécanique, grâce à l’utilisation de la Digger. Il s’agit d’une machine de déminage qui permet d’extraire les mines et les restes explosifs du sol. Elle est notamment utilisée dans les zones où l’on suspecte la présence de mines indétectables telles que la PRBM35 (d’origine belge) et la C3A/B (d’origine espagnole) fréquemment découvertes en Casamance.

Dans un processus d’accélération du déminage en Casamance, HI fera intervenir des chiens d’enquêtes techniques à travers le partenaire APOPO. Ces chiens sont formés à renifler l’explosif contenu dans les minutions, une technique qui s’avère beaucoup plus efficiente.

Quels sont les types de mines concernés ?

Au Sénégal, la pollution ne concerne pas seulement les mines antipersonnel, nous y trouvons aussi les mines anti véhicules, les mines artisanales et les restes explosifs de guerre constitués de munitions de petit calibre, les obus, les grenades et les roquettes.

Parmi les mines anti-personnel identifiées en Casamance, nous avons enregistré :

¾ les mines à action locale remplies d’explosifs comprises entre 75 à 250 g. la mine explose sous une pression d’au moins 5 kg, elle peut occasionner l’amputation des membres de sa victime. En Casamance nous identifions parmi les mines antipersonnel la PRBM 35 d’origine Belge qui est indétectable, la PMN d’origine Russe, la M441 et la M969 d’origine portugaise.

¾ Les mines à action de zone fixe sont caractérisées par leur corps métallique pré fragmenté qui suite à une explosion projette ses éclats sur un angle de 360°. Elle fonctionne par traction et/ou par relâchement. En Casamance, on en identifie la POMZ 2M d’origine russe et la Type 59 d’origine chinoise.

« 1 200 000 m² de terre à dépolluer d’ici Mars 2026 »

Quelles sont les régions concernées par le programme ?

Le programme d’action contre les mines en Casamance concerne trois régions : Ziguinchor, Sédhiou et Kolda qui a été déclarée libre de mine en 2020. À ce jour les opérations se poursuivent dans les départements de Ziguinchor, Bignona, Oussouye dans la région de Ziguinchor et le département de Goudomp dans la région de Sédhiou.

Équipes de démineurs HI

Quelle est la superficie totale à déminer ? combien en est déjà fait et cela correspond à quel taux d’exécution ?

Le Centre Nationale d’Action contre les Mines au Sénégal (CNAMS) à la suite de l’étude d’urgence menée en 2006, estime à 1 200 000 m² de terre à dépolluer d’ici Mars 2026. Cette superficie ne concerne que les zones accessibles qui pourrait être revue à la hausse à la suite de la libération de certaines localités qui était sous l’emprise des acteurs du conflit.

Dans le cadre de la mise en œuvre du projet ARC 133 173 m² ont été dépollués et 600 000 sont prévus dans le cadre du projet BUZA ce qui correspondra à un taux d’exécution de 61 % en juin 2024.

Combien de personnes sont déjà impactées par le programme ?

La mise en œuvre du projet ARC a permis d’intervenir dans trois communes à savoir Adéane, Kaour et Nyassia dont les bénéficiaires directs sont estimés à Plus de 4700 habitants et les indirects à 11 305 habitants.

De façon globale, quel bilan peut-on dresser à propos de ce programme ?

Le programme d’action contre les mines en Casamance contribue à la réalisation de l’objectif de la stratégie nationale de lutte antimines du Sénégal, qui est de parvenir à un statut de pays exempt de mines à l’horizon mars 2026. Parallèlement, le programme met en œuvre des activités d’accompagnement du processus de retour des populations déplacées tout en participant à la relance des activités génératrices de revenus.

Quelle est la durée du programme ?

HI est présent en Casamance depuis 1996 à travers les premières activités d’éducations aux risques. L’organisation a démarré ses activités de déminage en 2008 et nous continuons à aider le Sénégal à se débarrasser de ses zones polluées jusqu’à l’horizon de Mars 2026.

Combien de personnes sont mobilisées pour les opérations ?

A ce jour, 20 personnes sont mobilisées dans les opérations de déminage en Casamance.

Du profil de démineur

Démineurs sur les zones minées

Y-a-t-il une formation particulière pour les agents exécutants ? Si oui, y-a-t-il une expertise locale développée ?

Pour être démineur, il faut impérativement suivre une formation technique qui est répartie selon le niveau de responsabilité :

Le démineur de base est formé pour être apte à préparer et appuyer l’action des équipes d’intervention en : recherchant, détectant, localisant, balisant et identifiant (si possible) la présence d’engins explosifs, puis rendre compte

EOD 1 : Le détenteur de la qualification « EOD niveau 1 » est plus particulièrement apte à localiser (détection), mettre à jour (si objet enterré) et détruire sur ordre et sur place des mines et munitions étudiées.

EOD 2 : Le détenteur de la qualification « EOD niveau 2 » est plus particulièrement apte à intervenir sur un panel de munitions atmosphériques conventionnelles étudiées lors du stage, susceptibles d’être rencontrées dans le cadre d’opérations de déminage humanitaire. Il peut tenir les fonctions de chef d’équipe de déminage systématique et de responsable de mise en œuvre d’explosifs.

EOD 3 : Le détenteur de la qualification « EOD niveau 3 » est plus particulièrement apte à mener des procédures de neutralisation définitive de tout type de munitions conventionnelles étudiées lors du stage, susceptibles d’être rencontrées dans le cadre d’opérations de déminage humanitaire. Il peut être amené à tenir les fonctions de chef d’équipe de déminage/dépollution lors des missions d’interventions en totale autonomie.

EOD 3+ : Le détenteur de la qualification « EOD 3 + » est plus particulièrement apte à mener des procédures de mises hors d’état de fonctionner et de neutralisation définitive des engins explosifs pour les lesquels il est spécialisé.

L’expertise locale est développée d’autant plus que le processus de transfert de compétence est achevé à ce jour l’ensemble des postes techniques sont détenus par le personnel national.

Équipes de démineurs HI après journée de travail

Combien coûte ce programme et quels sont les partenaires qui y collaborent avec Humanité Inclusion ?

Pour la mise en œuvre du programme d’action contre les mines au Sénégal, HI a bénéficié de l’appui de deux partenaires financiers :

L’union européenne dans le cadre du projet action contre les mines pour un retour sécurisé des populations en Casamance (ARC) pour une enveloppe financière de 1 500 000 Euro avec un objectif opérationnel de 100 000 m². Mais ce projet a la particularité d’être un projet intégré (déminage, appui socio-économique des populations en retour).

Le ministère des Affaires étrangères du Pays-Bas dans le cadre du projet BUZA avec une enveloppe financière de 800 000 Euro sur 18 mois et un objectif opérationnel de 600 000 m².

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