International

Burkina Faso : Affaire Emmanuel Zoungrana, plutôt une affaire d’État que de régime ?

Incarcéré depuis le 14 janvier à la maison d’arrêt et de correction des armées (Maca) d’Ouagadougou, le lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana a vu sa liberté provisoire refusée. Le Tribunal militaire réuni, à huis clos le mercredi 12 octobre 2022, a opposé son refus à la demande de mise en liberté provisoire du lieutenant-colonel.
Cinq chefs d’accusation pèsent contre lui : « tentative de déstabilisation des institutions de l’Etat », « détournement de biens publics, faux et usage de faux, enrichissement illicite et blanchiment de capitaux ».

« Il n’y a aucun élément à charge qui prouve que le lieutenant-colonel Zoungrana a détourné un seul centime lorsqu’il était le chef du corps du 12e régiment à Ouahigouya » a avait réagi Me Paul Kéré à lefaso.net visiblement déçu par cette décision de la justice.
Emmanuel Zoungrana avait comparu le jeudi 22 septembre dernier devant la chambre criminelle de la Cour de cassation à Ouagadougou. Après une audience de près d’une heure, la plus haute juridiction du Burkina avait prévu de statuer le 27 octobre prochain, sur la demande de liberté provisoire, c’est finalement le 12 octobre que la décision de le maintenir en prison a été rendue publique.

Ex-chef de corps du 12e régiment d’infanterie commando, basé à Ouahigouya, chef-lieu de la région du Nord, le lieutenant-colonel, âgé de 41 ans, avait passé le témoin le 21 décembre 2021, avant de regagner Ouagadougou où il attendait une nouvelle affectation.

Outre Emmanuel Zoungrana, une dizaine d’autres personnes – militaires et civiles – ont été mises en examen dans le cadre de cette affaire survenue quelques jours avant le putsch du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, qui a renversé le 24 janvier le président Roch Marc Christian Kaboré. Ce dernier a été à son tour chassé du pouvoir le 30 septembre par le capitaine Ibrahim Traoré.

Une descente aux enfers ?

La descente aux enfers a commencé pour le Lieutenant-Colonel après les révélations des soldats sur leur condition de travail. L’attaque d’Inata (nord), au cours de laquelle au moins 57 personnes, dont 53 gendarmes, ont été tuées, l’élément déclencheur. « Depuis deux semaines, le détachement s’alimente grâce à l’abattage des animaux », alertait leur chef dans un message envoyé à l’état-major le 12 novembre, réclamant l’autorisation de quitter la position.
Des politiques s’en étaient mêlé réclamant la démission du gouvernement : « Nos soldats manquent de munitions et même de nourriture, leurs primes ne sont pas payées alors que des dizaines de milliards de francs CFA ont été dégagés pour renforcer la sécurité. Les détournements et les malversations ne peuvent plus continuer », avait déclaré Achille Tapsoba, le premier vice-président du parti Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP).

Le président Roch Marc Christian Kaboré avait promis de s’occuper personnellement des questions logistiques des soldats au front. Il avait promis dès la semaine qui a suivi l’attaque d’Inata, des poursuites judiciaires contre les responsables de malversations dans l’armée et aussi une opération main propre.

La prise du pouvoir par l’armée, une première fois par le Lieutenant-Colonel Damiba et une deuxième par le Capitaine Traoré avait suscité l’espoir d’abandon des charges contre Emmanuel Zoungrana. Des rumeurs avaient circulé sur sa libération après le putsch du 30 septembre dernier. Cela n’était que rumeur. La décision du tribunal révèle que les hommes passent mais l’État demeure, même si les jours à venir nous réserve de nouveaux rebondissements dans cette affaire.

error: Content is protected !!