Contribution

Plaidoyer pour un renforcement de l’accès des filles et femmes à l’éducation, notamment par les curricula

Un célèbre proverbe africain nous le dit : « Si vous éduquez un homme, vous éduquez un individu, mais si vous éduquez une femme, vous éduquez une famille (une nation) »

L’éducation est un droit de l’Homme et un moyen essentiel d’atteindre les objectifs d’égalité, de développement, d’autonomisation et de paix. Filles et garçons ont tout à gagner d’un enseignement non discriminatoire qui, en fin de compte, contribue à instaurer des relations plus égalitaires entre les femmes et les hommes. Les femmes ne pourront prendre une part plus active au changement que si l’égalité d’accès à l’éducation et l’obtention de qualifications dans ce domaine leur sont assurées. L’alphabétisation des femmes est un important moyen d’améliorer la santé, la nutrition et l’éducation de la famille et de permettre aux femmes de participer à la prise de décisions intéressant la société.

Au niveau global, filles et garçons ont désormais un égal accès à l’enseignement primaire, excepté dans certaines parties de l’Afrique, en particulier en Afrique subsaharienne, et en Asie centrale, où les moyens d’éducation sont encore insuffisants. Les filles sont de plus en plus présentes dans l’enseignement secondaire et, dans certains pays, y sont admises à égalité avec les garçons. Le nombre de filles et de femmes dans l’enseignement supérieur a augmenté considérablement. Dans de nombreux pays, les écoles privées ont également joué un rôle complémentaire important dans l’amélioration de l’accès à l’enseignement à tous les niveaux. Cependant, depuis l’adoption par la Conférence mondiale sur l’éducation pour tous (Jomtien, Thaïlande, 1990) de la Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous et du Cadre d’action pour répondre aux besoins éducatifs fondamentaux, le taux d’analphabétisme encore élevé dans la plupart des pays en développement, notamment en Afrique subsaharienne et dans certains États arabes, reste un obstacle majeur à la promotion de la femme.

En matière d’éducation, les filles font toujours face à la discrimination dans bien des régions du monde, du fait des traditions, des mariages et des grossesses précoces, du caractère parfois inapproprié et sexiste des matériels didactiques et d’enseignement, du harcèlement sexuel, et de la pénurie d’établissements scolaires convenablement équipés et accessibles. Les filles sont très tôt chargées de pénibles corvées ménagères. On attend des jeunes filles qu’elles s’acquittent de leurs obligations scolaires sans négliger leurs tâches domestiques, ce qui se traduit souvent par de faibles résultats scolaires et des abandons précoces. Ceci a des conséquences durables sur tous les aspects de la vie des femmes.

La création d’un environnement éducatif et social où les femmes et les hommes, les filles et les garçons seraient traités sur un pied d’égalité et encouragés à développer tout leur potentiel, dans le respect de leur liberté de pensée, de conscience, de religion et de conviction, et où les ressources éducatives ne véhiculeraient pas des clichés sexistes sur les hommes et les femmes, serait un moyen efficace d’éliminer les causes de la discrimination à l’égard des femmes et les inégalités entre les sexes.

Ce changement devra notamment s’appuyer sur une révision des curricula en cours de transformation dans beaucoup de pays pour un rééquilibrage des contenus dans le cycle fondamental donnant davantage de possibilités et d’opportunités de réussite aux filles.

Loin de se limiter aux connaissances et savoir-faire acquis pendant la jeunesse, l’éducation des femmes devrait être un processus continu tout au long de la vie, qui englobe l’enseignement et la formation de type classique ainsi que les formes non institutionnelles d’apprentissage comme le volontariat et les connaissances traditionnelles.

L’enseignement des sciences, en particulier, est discriminatoire. Les manuels ne traitent pas toujours  des problèmes qui se posent quotidiennement aux femmes et aux filles et ne rendent pas justice aux réalisations des femmes dans le domaine scientifique. Bien souvent, dans certains pays, les programmes scolaires destinés aux filles ne comportent ni l’enseignement des mathématiques et des sciences de base ni la formation technique qui pourraient leur permettre d’améliorer la qualité de leur vie quotidienne et accroître leurs possibilités d’emploi. Une formation scientifique et technique solide prépare les femmes à jouer un rôle actif dans le développement technique et industriel de leur pays ; il convient donc de revoir les curricula de formation dans ce sens. La technologie est en train de transformer rapidement le monde et modifie également la façon de vivre dans les pays en développement. Il est essentiel que les femmes ne soient pas seulement les bénéficiaires des progrès technologiques mais qu’elles en deviennent aussi les protagonistes, depuis le stade de la conception jusqu’à celui de l’application, du suivi et de l’évaluation. La possibilité d’avoir accès à tous les niveaux de l’enseignement, y compris l’enseignement supérieur, et à toutes les disciplines, et d’aller jusqu’au bout des études entreprises est à l’origine, au moins en partie, des progrès que les filles continuent de faire dans leur activité professionnelle. Néanmoins, elles se trouvent encore concentrées dans un nombre limité de disciplines.

Les médias sont l’un des outils d’éducation les plus efficaces. Les éducateurs et les institutions gouvernementales et non gouvernementales doivent en tirer parti pour favoriser la promotion de la femme et le développement. L’enseignement hybride, comme l’initiative HELA (Hybrid Education, Learning and Assessment) de l’UNESCO-BIE et les systèmes d’information sont des éléments de plus en plus importants de l’apprentissage et de la diffusion des connaissances. La télévision et les réseaux sociaux, en particulier, ont une profonde influence sur les jeunes et, à ce titre, sont en mesure d’inculquer des valeurs, de façonner les comportements et de présenter les femmes et les jeunes filles de manière positive ou négative. Il importe donc que les éducateurs enseignent le sens critique et l’esprit d’analyse à travers les curricula. Dans de nombreux pays, les ressources consacrées à l’éducation, notamment celle des filles et des femmes, sont insuffisantes et elles ont parfois encore été réduites, notamment dans le contexte des politiques et programmes d’ajustement (ou de rigueur budgétaire). L’insuffisance de ces allocations a des répercussions négatives durables sur le développement humain, en particulier en ce qui concerne les femmes.

Pour traiter le problème de l’inégalité d’accès à l’éducation et de l’insuffisance des possibilités dans ce domaine, les différents acteurs et partenaires devraient s’employer activement et ostensiblement à intégrer la problématique hommes-femmes dans l’ensemble de leurs politiques et programmes de manière à effectuer, avant de prendre une décision, une analyse de ses répercussions sur les femmes et sur les hommes.

Dr Omar Thiam

Expert International en Education

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Omar Thiam est un spécialiste de Programmes Education à l’UNESCO au Bureau de Genève. Il a été Directeur de l’Ecole de Management et de la Recherche au sein du Groupe ISM au Sénégal.   Enseignant chercheur, il est intervenu dans différentes écoles sénégalaises comme Groupe ISM ou BEM, et aussi en France à l’Université de Savoie,  l’Université de Nancy II, Kedge Business School  et à l’IUT d’Epinal.

Titulaire d’un doctorat en sciences économiques, M. THIAM est aussi un expert en stratégie et en management de projets.  Il est auteur de plusieurs rapports, articles et tribunes sur des thématiques en lien avec les réformes curriculaires, l’innovation pédagogique et le développement en général, notamment en Afrique.

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