L'Entretien de la semaine

« Il faut qu’on se base sur des choses plus objectives pour évaluer les performances individuelles des joueurs » (Elimane Ndao, créateur de la plateforme média Le Meilleur joueur du monde)

L’idée lui est venue en 2016. À l’époque étudiant en journalisme, Élimane Ndao décide, à partir d’une méthode de calcul « objective », désigner qui est le meilleur joueur du monde. Il en fait un article et le publie sur son blog. Il part d’un constat : les joueurs à vocation défensive sont souvent lésés lors des récompenses individuelles. Pour le Ballon d’Or par exemple, depuis 1956 année de sa création, le trophée n’est revenu qu’à trois reprises à des défenseurs et une fois à un gardien de but. Sept ans plus tard et désormais journaliste Élimane affine sa méthode et lance sa start-up média : le Meilleur joueur du monde. Entretien !

Vous venez de lancer votre start-up du nom de « Meilleur joueur du monde ». Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?

Je suis journaliste, sorti du Cesti (45e promotion). J’ai un parcours de journaliste assez riche. J’ai eu plein d’expériences dans la presse privée comme publique et depuis 2019 je suis correspondant de France 24 à Dakar.  

Pourquoi « start-up média », et pas entreprise de presse comme il est d’usage ?

Start-up média parce que je cherchais un terme approprié à l’ensemble du projet qui n’est pas seulement un projet médiatique. C’est compartimenté en deux : il y a un volet média et un volet données.

Je travaille avec des statisticiens. C’est pourquoi j’ai pensé que c’était le terme le plus approprié parce que c’est une entreprise qui essaie d’être innovante dans le secteur du football en se spécialisant sur des statistiques, pas seulement sur des statistiques brutes comme le font les grandes maisons de statistiques du football comme Opta ou SofaScore, mais en spécifiant les statistiques pour savoir qui est le meilleur de chaque match, chaque semaine, chaque mois, et surtout à la fin de chaque saison qui est le meilleur joueur du monde.

Comment vous est venue l’idée de créer cette plateforme ?

C’est venu d’un constat que j’avais fait depuis plusieurs années. Je suis un passionné de football et  dans les années 2010 j’avais remarqué beaucoup d’incohérence dans la nomination des trophées individuels que ce soit de la FIFA ou de France Football. Et même dans les meilleurs onze de la saison ce n’est pas forcément les joueurs qui ont fait de meilleures performances qui sont dans ces classements là, mais plutôt les stars. Par exemple Ronaldo et Messi étaient plébiscités à chaque fois qu’ils étaient en concurrence avec d’autres joueurs qui, pour moi, étaient plus méritants.

Par exemple en 2010, peut être que Messi ne méritait pas le Ballon d’Or plus que Xavi, Iniesta ou Sneijder. En 2013, Ronaldo ne méritait pas plus que Ribery et en 2014 il ne le méritait pas plus que Neuer. Tout cela m’a conduit à me dire qu’il faudrait qu’on se base sur des choses plus objectives pour évaluer les performances individuelles des joueurs et quoi de mieux que les statistiques qui sont devenus accessibles

Sur quelle base arrivez-vous à désigner le meilleur joueur du monde ?

J’ai parlé tout à l’heure de joueurs qui étaient privilégiés par rapport à d’autres, mais il y a aussi le fait que les joueurs offensifs étaient privilégiés par rapport aux joueurs défensifs, Alors qu’on nous dit souvent que pour qu’une équipe remporte une compétition il faut qu’elle ait une bonne défense. Les joueurs à vocation défensive, dans l’histoire du Ballon d’Or, n’ont que 6% de chance de remporter le trophée depuis 1956. Donc on s’est dit qu’il faut qu’on puisse évaluer un attaquant et un défenseur, chose qui est difficile. L’un son rôle c’est de ne pas prendre de buts et l’autre son rôle c’est de marquer des buts.

Donc comment pourrait-on les évaluer ? C’est sur ce qu’ils apportent à l’équipe, chacun dans son poste de prédilection. Et c’est sur cette base qu’on a établi un système de proportionnalité dont l’unité de base est le but. On s’est demandé quelle performance le gardien doit faire pour que ça valle un but, de même que pour un défenseur central, etc. On s’est rendu compte, après l’analyse de plus de 200 matchs dans les 5 grands championnats européens qu’en moyenne, qu’il y a 1 but à chaque fois qu’il y a 4 tirs cadrés.

On s’est alors dit qu’un gardien s’il arrête 4 tirs, c’est comme s’il avait marqué 1 but. C’est sur cette base qu’on a établi notre système de calcul qui fait que chaque joueur, à la fin d’un match, a la possibilité de marquer des points et on va faire le cumul à la fin de la saison pour savoir qui a le plus de points.

On a ainsi inclus les trophées collectifs gagnés par l’entremise d’un système de barème par ordre de prestige. La Coupe du monde par exemple va valoir 30 points, la ligue des champions 25 points, ainsi de suite juste. Aussi il ne suffit pas de gagner la Coupe du monde pour avoir les 30 points. Pour cela il faut être le meilleur joueur de son équipe, le deuxième va avoir 28, le suivant 26, ainsi de suite. Et si vous n’avez fait aucune contribution pour que votre équipe gagne le trophée vous n’aurez pas de points bonus.

Donc c’est tout ce système là qu’on a mis en place de la façon la plus fiable possible qui nous permet de dire à la fin de la saison quel est le joueur qui a le plus apporté à son équipe et qui mérite d’être le meilleur joueur du monde.

Comment vous êtes parvenu à rendre cette méthode de calcul représentative ?

Les évaluations que l’on fait sont continues. Par exemple là on est en train de travailler sur la prochaine Coupe d’Afrique des Nations, où on veut vraiment faire un travail de statistique. On va analyser les quatre ou cinq dernières CAN pour savoir quelle performance à la Coupe d’Afrique va valoir tel nombre de points. Donc c’est une analyse des matchs que l’on fait. Là c’est de façon sommaire, mais il y a énormément de projets en cours pour que les choses soient beaucoup plus fiables. Il ne s’agira pas seulement de faire que des analyses statistiques, mais en plus des calculs, regarder les matchs pour déterminer la qualité des statistiques.

On peut dire que 10 duels gagnés équivalent à un point alors que parfois un duel gagné peut vous faire remporter un match. Il en est de même pour les passes. Une passe en retrait ou une passe latérale, ça ne doit pas être comparé de la même manière qu’une passe clé qui vous permet de casser des lignes ou de marquer un but. Donc ce n’est pas seulement un décompte aveugle des chiffres, mais un décompte qui va prendre en compte la qualité des statistiques.

On sait que vous êtes plutôt actif sur les réseaux, comment vos résultats sont en général accueillis ?

C’était un grand débat surtout l’année dernière avec le débat entre Benzema et Sadio Mané, qui sera élu meilleur joueur du monde. C’est là que je me suis dit je vais lancer mon projet. Et lorsque les statistiques sur lesquelles nous nous sommes basées ont mis Sadio Mané 4e meilleur joueur de la saison, j’ai été pris à partie sur les réseaux sociaux. Les gens nous accusaient de ne pas être patriotes alors qu’on ne se base que sur des calculs totalement objectifs.

Il y a eu des réactions fanatiques, mais aussi beaucoup d’encouragements de la part d’internautes qui nous encourageaient parce que nous au moins on montre une voie qui est celle de l’objectivité.

Avez-vous avez l’ambition de rapporter cette méthode de calculs au championnat local voire africain ?

Oui. Mais le grand problème du football africain de manière générale est l’absence de données. C’est beaucoup plus facile pour moi aujourd’hui d’analyser un match de D2 française, parce que les chiffres sont disponibles en temps réel, qu’un match du championnat local où même pour avoir la feuille de match parfois c’est difficile. Les championnats locaux ne sont pas analysés par les grandes sociétés de données comme Opta ou Sofa Score.

Notre ambition est de proposer ce service là et on y travaille avec les statisticiens. On projette même de faire un test avec un club local et faire en sorte, pour la première fois, qu’un match du championnat local soit analysé et qu’on puisse dire, par l’entremise de notre méthode de calcul, qui a été le meilleur joueur dans un match opposant le Jaraaf au Casa Sports par exemple.

En plus de cette méthode de calcul innovante, qu’est-ce que votre plateforme apporte en plus ?

Ce n’est pas que des données. On propose aussi des articles d’analyse chaque semaine sur notre site web (www.meilleurjoueur.com). On est aussi présent sur tous les réseaux sociaux. Nous proposons à notre public des analyses mais aussi des comparaisons entre autres, chaque semaine.

Quelles sont vos ambitions avec ce projet dans les années à venir ?

Les ambitions sont très grandes. Dans un premier temps, on projette de sortir un magazine à la fin de la saison, qui fera le portrait des 30 meilleurs joueurs du monde et qui donnera aussi la parole à des experts du football pas forcément africain mais aussi mondial. On envisage aussi de nous rendre en France pour parler de notre projet. Au-delà du magazine, on aimerait aussi proposer nos services aux grandes instances du football.

On a d’ailleurs vu lors de la dernière coupe du monde, on a remis le trophée d’homme du match Belgique-Canada à Kevin De Bruyne qui devant les médias a dit ‘’qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ce trophée’’. Donc ça pour moi c’est une absence de crédibilité dans la nomination des titres individuels

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